Je rêve encore parfois À notre terre promise À la nation qu’on aurait fondé Au peuple qu’on aurait inspiré Je l’avais cru Ce rêve du jeune âge: Que se comprendre, c’était s’aimer Que l’identité, c’était l’intimité On en a valsé une de trop Sur la frontière de notre naïveté Le territoire est devenu flou Malgré tous nos traités Je t’ai offert mon allégeance Tu m’as déclaré ta neutralité En te tournant vers d’autre colonies Pour ne pas voir notre village brûler Marchant noblement vers la grève Dans ton chaos et ma confusion J’ai tenté de monter une résistance Avant de me blottir dans une cale Étourdie dans des terres inconnues Je t’ai trop longtemps cherché Ma quête ne mènera pas à toi Je ne mourrai pas dans tes bras Parfois, je commémore encore La diaspora que tu as mis entre nous Assise dans le parc de nos souvenirs Je suis la seule pleureure L’exil a ses richesses: Ma grande déception Et ton manque de dérangement Inspireront plus qu’un seul poème Je n’oublierai pas notre histoire Il faut avoir beaucoup aimé Pour trouver la force de dire Je te pardonne
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Ma mère est une femme qui m’a rencontrée 17 jours après ma naissance. C’est le hasard qui nous a mis ensembles. Moi, un bébé nouveau-né qui a été donné à une agence d’adoption, et elle une femme qui voulait être une maman. On était toutes les deux dans le système par espoir d’un meilleur avenir, et de se trouver une famille. On aurait pu finir avec d’autres personnes, mais c’est la chance qui nous a mis ensemble. Les gens nous font souvent la remarque qu’ils sont surpris que c’est ma mère, puisqu’on ne se ressemble pas du tout. C’est évident qu’on n’a pas le même sang dans nos veines. Mais malgré le fait que j’ai toujours su que j’étais une enfant adoptée, elle ne m’a jamais pour une seconde fait sentir que j’étais moins une membre de la famille que qui que ce soit. Je reçois toujours un message d’elle quelques semaines après ma fête pour me souhaiter bonne fête d’adoption, parce que c’est ce jour-là qu’on s’est connues, et qu’elle est devenue une mère. Je parle souvent du rôle qu’elle a joué dans mon développement linguistique et identitaire. Elle m’a brainwashée à l’Acadie et au français de façon intensive et persistante depuis le début. Ne s’arrêtant pas à simplement me dire qu’il fallait être fière, elle m’a exposé à toutes sortes de choses qui ont fait de moi qui je suis aujourd’hui. Elle m’a raconté l’histoire de notre peuple et m’a apporté à Grand-pré pour que je sache d’où on vient. Elle m’a apporté au premier Congrès Mondial Acadien pour que je sache que l’Acadie est plus grande que juste nous. Elle m’a apporté en France et au Québec pour que je vois qu’il y a des endroits où le français se vit pleinement. Elle m’a entourée de musique et de livres en français pour que je m'approprie ma propre culture, allant jusqu’à me laisser écouter du Angèle Arsenault très tôt le matin à des volumes déraisonnables. Elle m’a traînée à des assemblées annuelles et m’a laissé écouter le potinage sur le réseau associatif pour que je comprenne que notre communauté fonctionne sur l’engagement de ses membres. Venant d’une famille de maniaques pour l’Acadie et ce qu’on appelle chez nous tout simplement “la cause”, elle m’a transmis ces valeurs pour que je puisse moi aussi être une patriote engagée. Si ça peut sembler quétaine au plus haut degré de dire des belles choses sur sa mère pour Noël, c’est important de dire que ça n’a pas toujours été facile. Je n’étais pas une enfant très relaxante, et elle n’était pas une mère très relaxée. Je pense que c’est juste de dire que c’était assez déplaisant pour nous deux pour un bon boutte, culminant dans mon choix de vivre mes années du secondaire chez mon père. Ces quelques kilomètres sur quelques années ont eu l’effet de nous donner l’espace nécessaire pour respirer, et de réajuster notre dynamique. Si c’était surement difficile pour elle de se retrouver seule, c’est probablement cette pause qui nous a permis de mieux se comprendre, et d’être en bonne relation aujourd’hui. Je ne sais pas ce qu’elle envisageait pour mon avenir lorsque j’étais petite, mais je doute qu’elle savait qu’à 31 ans je serais une artiste perpétuellement broke qui est encore en train de chercher son chemin. Surement, ça n’a pas été facile pour elle d’encaisser la déception qui vient avec mes moments moins glorieux: mes deux tentatives de baccalauréats qui ont fini en catastrophe, le boutte où je perdais ma langue, mon accumulation progressive de tatouages, ma relation à long terme avec la cigarette, et surement d’autres choses qui tracassent les mères tard la nuit. Mais elle m’accepte malgré mes défauts, et ne me les reproche (presque) pas. Les dernières quelques années de ma vie ont été particulièrement turbulentes. Éjectée du monde communautaire dans lequel j’avais fait ma vie, je me suis trouvée dans un espèce de néant à chercher ce que je voulais faire de ma vie. Elle a été là pour moi, et m’a appuyée dans mes expérimentations qui m’ont permis, éventuellement, de me déclarer une artiste. Elle m’a donné des ordinateurs pour que je puisse écrire et faire des vidéos, une caméra pour que je puisse faire de la photo, elle m’a aidé à monter mon exposition de poésie, elle m’a aidé à faire les décors pour mon film. Elle a même accroché le poster d’un de mes poèmes dans sa cuisine, malgré le fait qu’elle le trouve franchement un peu trop vulgaire. Elle fait bien plus que ça, bien sur, mais pour moi, ce qui compte le plus, c’est qu’elle ait accepté que je ne vivrai probablement jamais une vie normale, et qu’elle m’appuie dans mes folies qui ne finiront pas de sitôt. Cette lettre est beaucoup plus sentimentale que je le suis d’habitude avec ma mère. Je ne lui donne pas beaucoup de hugs. Je ne lui dit pas souvent que je l’aime. Mais aujourd’hui, maman, je te dis merci.
Merci pour m’avoir enseigné à 8 ans que plus un fromage pue, plus il est bon. Merci d’avoir fait ma robe de prom. Merci d’avoir traité toutes mes peintures médiocres comme si elles étaient des chefs d’oeuvre. Merci de m’avoir laissé trouver mon fashion sense au Frenchy’s et pas au mall. Merci de m’avoir apporté au cimetière le lendemain de Noël l’année passée. Merci de ne pas me reprocher que je ne te ferai pas des petits-enfants. Merci d’avoir gardé les cendres de mon chat d’enfance pour les derniers 15 ans. Merci d’écouter les histoires que je te raconte et d’en paraître intéressée. Merci d’avoir sauvé mon père de l’assimilation. Merci pour toutes les chaussettes bizarres que dont tu m’as fait cadeau au fil des ans. Merci d’avoir orchestré l’ouverture d’une école française l’année où j’ai commencé la maternelle. Merci d’avoir écouté les mêmes 3 cassettes à répétition pour des années. Merci de venir à mes trucs. Merci de m’avoir adoptée, et de continuer de m'adopter. Merci de m’aimer, et de m’aimer pareil. Merci d’être ma mère. C’est tu trop quétaine si je dis que Acadie Rock m’a sauvé la vie? Je suis arrivée à Moncton en catastrophe au début juillet. Fuyant la marée montante de mon assimilation avant de m’y noyer, je suis venue me sauver dans la capitale contre-culturelle de l’Acadie, question de me remplir les poumons d’air français et le toucher à ma culture de mes propres mains. C’était rough pareil. Parce que j’avais mal à mes Badlands. Parce que j’étais overwhelmed du contact constant avec mon peuple. Parce que si j’ai toujours été “l’Acadienne de Halifax”, then who the hell que j’étais astheure, “Une Acadienne parmi d’autres à Moncton”? Parce que cette crise existentielle shakeait mon âme plus que les centaines qui l’ont précédée. C’est au début de ma deuxième semaine que vous m’avez appelé pour m’offrir de participer à la Soirée poésie Gérald LeBlanc dans le cadre d’Acadie Rock. Thank god. J’ai quitté ma Nouvelle-Écosse adorée sous la prétention de pouvoir faire de l’art en français et me voilà, à quelques jours de mon arrivée, avec l’invitation de faire justement ça dans les mains. God knows ce que j’aurais fait de tous les sentiments que j’ai vécu ces premières semaines-là si je n’avais pas eu cette performance envers laquelle les canaliser. Sans tomber dans le cliché de l’art comme outil de santé mentale, j’peux pas nier que Acadie Rock m’a donné une prescription d’espoir quand j’en avais le plus besoin. Merci de m’avoir laissé dire mes affaires, devant un public qui mériterait un prix pour son attentivité malgré le hangover général qui est le trademark des 16 aoûts. Merci de me laisser faire ma thérapie culturelle sur l’autel du Temple Aberdeen, protégée par les esprits de tous ceux qui y sont passés avant moi. Merci de m’avoir mis juste après Gabriel Robichaud et son Manifeste Diasporeux, parce qu’un yang n’est rien sans son ying. Merci de n’avoir eu que de l’amour et de la compassion pour moi, malgré ma façon agressive et accusatrice de dépacter mon bagage émotif. Merci de m’avoir laissée être moi. C’était clair depuis le début qu'Acadie Rock allait être une étape importante de mon rehab linguistique, même avant que vous me tendiez la main pour me sortir personnellement de mon néant identitaire. Acadie Rock a toujours été “mon” festival acadien depuis son lancement, même si j’ai manqué les 4 premières éditions, ayant d’autres missions à accomplir ces 15 aoûts-là. Savoir que ce festival existait et célébrait le genre d’Acadie à laquelle j'appartiens était important pour moi.
Ce qui fait la magie d’Acadie Rock, c’est que ce n’est pas la célébration de l’Acadie de Moncton. Ce n’est pas faire les choses telles qu’elles ont déjà été faites. C’est créer des moments qui marquent, et célébrer le fait qu’on est en train de les vivre ensemble. C’est cette célébration de chaque moment vécu en collectivité qui fait qu’on fête l’Acadie autant dans un show d’humour que dans un tintamarre. Que nos icones sont autant Klo Pelgag en outfit de fruits que les Hôtesses d’Hilaire en costumes britanniques waveant un énorme drapeau acadien. Merci d’avoir organisé le festival que j’avais besoin de vivre. Merci de me faire entendre les artistes que j’ai admiré de trop loin, et de me mettre en pleine face ceux que j’avais besoin de découvrir. Merci de m’avoir donné une semaine spirituelle avec ma congrégation au temple Aberdeen. Merci d’inviter des médias d’ici et d’ailleurs afin qu’ils puissent être missionnaires de cette nouvelle vision de l’Acadie. Merci de m’avoir laissé grimper sur le toit du monde sans me demander de redescendre trop vite. Merci de me faire vivre Moncton à son meilleur. Merci de me donner ces heures magiques entre couche-tard. Merci de me laisser me saturer de tout ça. J’ai besoin d’Acadie Rock. Nous avons besoin d’Acadie Rock. L’Acadie a besoin d’Acadie Rock. Parce que c’est plus qu’un festival. Parce que c’est plus qu’une thérapie culturelle collective. Parce que c’est plus que la réincarnation de l’esprit du Kacho. Parce que c’est plus que la preuve vivante que la culture acadienne est tout sauf statique. Parce que ça sauve des vies. Parce que ça a sauvé la mienne. Merci, Acadie Rock. Merci.
Note de l'auteure: J'ai été un peu nutso avec les GIFS... c'est la faute à Patate...
Ahhh Patate. Quand je t'ai rencontrée, on m'a dit que tu t'appelais Maya. Mais des fois, les nicknames sont instantanés et il ne faut pas les questionner. C'est pour ça qu'on a des amis qui s'appellent Grizzly, Pinky, ou Spacerabbit. En posant mon regard sur toi cette première fois-là, il n'y a qu'un mot qui m'est venu à l'esprit: Patate.
Presques identiques, right?
Et comme tous les vrais amours, tu m'as ruinée. J'étais la tough, la rock-and-roller, celle qui était trop cool pour aimer des photos de bébés et de chiens. Ça prenait plus que des créatures adorables pour m'émouvoir. Mais cette fille-là, c'était celle que j'étais avant de te connaître. Avec ta langue pendante et ton expression permanente de confusion, tu m'a changée, en un rien de temps, de ceci: À ceci:
Ruinée, à vie.
Nous sommes ici réunies pour le dernier sacrement de Radio-Halifax Métro.
Tu en es aujourd'hui à ton dernier souffle, mais tu n’es plus vraiment avec nous depuis longtemps. Tu passeras bientôt à une autre fréquence, celle des souvenirs. J’ai le devoir de dire ces derniers mots pour toi. Je te ferai justesse, tu sais comment je t’ai aimée. Mais tu me connais, je me dois aussi d’être franche. Après tout, tu étais ma radio aussi et je dois maintenant t'enterrer. Je t’ai connue dès tes premiers pas, lors de mon adolescence. Tu étais alors qu’une étincelle dans les yeux d’une communauté dispersée et invisible. En pensant à toi, on pensait avoir un meilleur avenir où les francophones pourraient s’entendre et se trouver, marchander, et vivre, et tout ça dans la municipalité au complet en simultané, par la magie des ondes radiophoniques. Et on a travaillé fort. Je me rappelle des premiers test des ondes de radio au début des années 2000 avec des radios temporaires et des studios dans un placard au centre communautaire. Les gens voulaient tellement t’entendre que certaines avaient attaché des casseroles en cuivre à leurs radios pour mieux capter tes ondes encore un peu foetales. On avait hâte d’enfin arriver à ta naissance et commencer une nouvelle étape de nos vies, avec toi à nos côtés. Je t’ai perdue de vue pendant mes années noires, celles où j’étais loin de ma culture et où ma langue s'effritait tranquillement vers le néant. Pendant ce temps, tu étais en pleine croissance. Tu as eu des vrais studios. Tu a gagné tes propres sous. Le plus beau, c’est que dans le milieu de la plus grosse ville à l’est du Québec, tu as obtenu une vraie fréquence radio pour la communauté francophone, le 98,5 fm. Quand je suis revenue à la communauté, c’est toi la première qui m’a prise sous ton aile, dans le sous-sol d’une grande radio commerciale. Tu m’a donné un emploi en français quand j’en avais vraiment besoin, à essayer de vendre de la publicité sur tes ondes. J’étais tellement en voie d’assimilation quand je suis arrivée que je devais garder un dictionnaire anglais-français avec moi en tout temps pour être conversationnelle. Tu as eu la patience de me laisser retrouver ma place dans ma propre langue. Je pense que j’aurais trouvé une façon de me sauver moi-même si tu n’étais pas là, mais une radio communautaire, ça a le pouvoir magique de changer des vies de toutes sortes de façons. Tu as certainement changé la mienne. Mais les choses n’étaient jamais vraiment roses. Même dans tes plus beaux moments, tu as toujours eu une épine aux finances. Je le sais, pour l’avoir vécu, que c’est très difficile de convaincre les entreprises qu’un public qu’ils ne connaissaient même pas vaut la peine de cibler. C’est difficile de faire la de francophonie invisible de Halifax un meilleur investissement que toutes les autres radios commerciales, celles qui ont des côtes d’écoutes dans les centaines de milliers de personnes. Tu as eu des bons moments: des bons commanditaires, un appui généreux du feu M. Chagnon. Mais ce n'était jamais assez pour te sortir de la pauvreté. Tu étais à la merci du pouvoir économique collectif d’une communauté qui ne s’est pas encore trouvée. Ici, c’est un miracle si plus de 50 francophones se trouvent dans une salle, malgré le fait que nous sommes des dizaines de milliers de personnes. Et toi, ma pauvre, tu avais la tâche de nous rassembler tout en dépendant déjà de nous. On t’a piégée avec nos rêves d’avenir. Mais tu as continué de vivre. Et nous avons continué de croire. Tu n’allais pas bien. Tu n’as jamais vraiment décollé à ton plein potentiel. Tu as fais des choix bizarres dans tes relations communautaires. Je pense qu’à force de partager une bâtisse avec une grosse radio commerciale, tu as commencé à croire que tu devais être comme elle. Que tu devais te gonfler, et garder tes problèmes pour les intimes. Que parce que tu étais dans un centre urbain, que tu valais plus que les autres radios communautaires de la province, toutes rurales. Que c’était à la communauté de venir vers toi, et non toi vers nous. Croire en ce projet, notre radio, s’est vécu comme une addiction. Dès la première fois qu’on rêvait d’une francophonie tangible par le biais de cet outil, on y était accros. Au fil du temps, le high était moins bon, et on passait de plus en plus de temps à être frustrées et anxieuses, mais ça ne nous empêchait pas de continuer. Peut-être que si on essayait toutes un peu plus fort, on pourrait atteindre la joie du premier high. Croire, c’était plus fort que la réalité. C’était meilleur que la réalité. Mais une à une, on a commencé à se réveiller et briser le cycle de la dépendance. Nous avons pu nous admettre que malgré tout l’effort que chacune pouvait y mettre, notre radio continuerait sur son chemin vers une mort certaine. Nous avons dû mettre fin à nos relations avec toi afin de nous protéger du dommage que l’espoir en toi nous causait. La plupart sevraient complètement avec toi et cessaient même de t’écouter. Comme des 12-steppeusess, nous avons eu beaucoup de rassemblements pour parler de toi, de combien c’était difficile de ne plus t’avoir dans nos vies. “Je m'appelle Céleste et je suis une CKRHolique. “Nous avons partagé notre déception, nos peines et nos frustrations. Si une radio pouvait fonctionner sur des soupirs, des larmes, et du désespoir, tu aurais été comblée. Nous avons tenté de te sauver, d’intervenir. Nous avons essayé de te tendre des perches en t’achetant des publicités et en te proposant des projets. Nous avons proclamé que nous t’aimions bien mais que si tu continuais sur ce chemin, tu t’en allais vers une mort certaine. Mais tu n’as jamais vraiment voulu nous entendre. Peu importe les circonstances, tu demeurais convaincue que tu avais déjà le bon plan pour tout redresser. Même après des incidents majeurs, tu nous repoussais et tu insistais que tout était sous contrôle. Tu n’avais plus d’animateurs rémunérés, plus de web-diffusion, plus de personnel, plus de bon sens. Tu avais de plus en plus de dettes à des gros joueurs comme l’ARC et Radio-Canada . De moins en moins de gens étaient autour de toi, tu crevais de faim. Je ne comprends pas pourquoi tu n’as pas déclaré un état de crise totale, ou compris que tes méthodes ne fonctionnaient pas. Pourquoi tu as refusé d'écouter nos plaidoiries. Pourquoi tu as tenu à faire à ta façon, malgré la mort certaine que nous y voyions tous. On ne peut pas aider quelqu’un qui refuse d’être aidé. Ta maladie chronique a été longue et pénible à voir. Je t’en veux de t’avoir laissé mourir ainsi. D’avoir refusé d’admettre que tu étais en crise jusqu’à ton dernier souffle. C’est dégueulasse de faire ça à ceux qui nous aiment. Et maintenant tu nous réclames 100 000$ pour te sortir d’une tombe que tu as toi-même creusée. Si c'est même possible pour ma communauté de mobiliser autant de sous, est-ce que c'est à toi qu'on devrait les donner? Ce montant pourrait servir à des salaires, des projets, un avenir. Mais il ne servira qu’à payer pour tes fautes, celles que nous avons essayé de t’empêcher de faire, alors que tu te fermais les yeux et que tu te bouchais les oreilles. Si nous payons ta dette, nous repartirons à zéro le lendemain parce que tu n’auras pas plus de financement, et tu ne seras pas plus près de la communauté. Je ne te donnerai pas un sou, parce que je t’ai déjà assez donné de moi, et parce que j’ai fini d'être tonenabler. J’ai fini de jouer ce jeu avec toi. Si ça veut dire que cette fois sera ta dernière, ainsi soit-il. Si je dois moi-même pelleter la terre sur ton cercueil pour que ça finisse une fois pour tous, je le ferai, l'âme en morceaux. Je n'en peux plus de te regarder vivre comme ça. Mais ne crois pas pour un instant que je ne pleure pas ta mort. Je suis profondément en peine pour ce que nous allons perdre. Nous, haligéennes, vivons dans cette ville anglaise et nous avons peine et misère à nous retrouver là-dedans. Les enfants qui grandissent ici ne gardent pas l’identité culturelle de leurs parents, et sont perdues dans leur francophonies. La plupart des adultes viennent en fait d’ailleurs et ont choisi de venir s’installer ici à Halifax. Nous n’avons pas de quartier français, nous n’avons pas de point de repère. Nos espaces communautaires sont loin et mal fréquentés. Cette ville est pourtant ouverte à la francophonie, nous avons assez de francophones, francophiles, franco-capables et franco-cachés de toutes sortes pour vraiment vivre quelquechose ensemble. Être une vraie communauté. Toi, en couvrant tout cet espace géographique par la radio, tu avais le potentiel d’être la braise qui commence la révolution. Mais tu es entrée trop tôt dans le cimetière du potentiel raté de ma communauté. Un monument à toutes les choses que je continuerai à ne pas vivre ici. J’ai peur que ta faillite restera en nous sous forme d’une peur de l’innovation et des idées osées. À chaque fois qu’on proposera des nouvelles initiatives, j’ai peur qu’on invoquera ton fantôme pour nous faire peur et semer le doute en nous. On dira qu’on ne peut pas compter sur les francophones pour soutenir une initiative. On dira qu’on n’existe pas. Mais il faudra plutôt se rappeler qu’on a réussi à exister, un peu, pour un moment. Qu'aujourd'hui nous pleurons le suicide de notre radio chérie, mais que demain, peut-être, nous applaudirons un nouveau début. Qu’un jour, nous réussirons à nous retrouver. Que nous vivrons vraiment. Donc je lève un dernier verre à CKRH, notre radio qui vivra bientôt une mort prévisible et évitable. Que ton lègue soit une leçon pour nous, et que nous nous appuyons sur un réalisme pour faire fonctionner notre avenir. Que ta mort soit plus paisible que tes dernières années l’aient été. Adieu, CKRH. J’espère en aimer une autre comme je t’ai aimée toi. Des fois, des révolutions commencent dans la rue, avec des manifestants, des pancartes, et de la rage. Des fois des révolutions commencent dans un garage psychédélique, avec des guitares, des chansons et des micros. Cette fin de semaine, j'ai été voir la deuxième sorte. Le Tide school (studio B) a été hôte d'un show avec Dan Gaudet + amis, Quiet Parade, Rain Over St Ambrose, et Arthur Comeau . Tous les artistes viennent du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, ils ont tous des liens à l'Acadie, ça se vit ça se sent, mais personne a besoin de le dire constamment. Mélange de Par-en-haut et de Par-en-bas, comme ça devrait l'être. Voici la groovy soirée en images: Toutes photos Céleste Godin 2015
Ah Moncton. Petite ville nommée après un génocidaire anglais. Royaume du Mascaret et la Pumphouse aux bleuets. Chais que des fois, j’te donne du tough love, mais aujourd’hui, laisse-moi juste te couvir d’amour, ok? Aller chez toi, c’est comme plonger dans un autre univers que le mien. On est entourée de français, on le lit, on l’entend, on le rit, on le sent. Je sais que tu vas tout de suite me dire que tout est en menace, et qu’on doit être sur les gardes à tout moment, mais moi je ne peux m’empêcher de t’admirer. Quand tu te regardes dans le miroir, tu ne vois que le défauts, les rides, les cicatrices, les imperfections. Moi, quand je te regarde, c’est ta luminescence et ton sourire que je vois. Chez toi, on peut commander son sandwich en français au Tim Horton’s. Chez toi, les francophones, quoique pas toujours accueillis à bras ouverts, ne sont pas des créatures exotiques qui surprennent par leur simple existence ceux qui les entendent parler. Chez toi, on peut aller voir des films en français régulièrement. Chez toi, les bonnes serveuses parlent le français, l’anglais et le chiac interchangablement. Chez toi, la menace d’assimilation est moins immédiate et je peux respirer. Chez toi, on peut carrément ne pas apprendre l’anglais si on le veut vraiment. Chez toi, on peut être professeur, activiste, chauffeur, architecte, avocat, artiste ou agent de centre d’appel, entièrement en français. Et tu es célèbre, sans vraiment le savoir. Tes rues sont chantées par des artistes. Ton centre culturel est légendaire. Ton parler est si connu les québécois le connaissent de nom, et l'utilisent comme référent lorsqu’ils s’auto-analysent. Chez toi, on me comprend quand je parle de l’Acadie. Je n’ai pas besoin de commencer mes réflexions en expliquant l’histoire Acadienne depuis 1604 pour que tu en comprennes le contexte. Chez toi, les gens comprennent mes référents culturels quand je leur parle. La musique de mon enfance et de mon présent leur est familière aussi. Et quand on parle d’Acadie chez toi, et que je me sens oubliée de ma perspective haligéenne, je dois constamment te rappeler que je suis là aussi. Comme un garçon qui m’ignore juste assez pour me garder intéressée, tu me garde dans ton entourage, cherchant constamment ton attention et ton approbation. Tu es en dualité constante. Tu es aux prises entre deux langues dans un débat éternel et une négociation sans fin. Tes édifices sont abominablement laids et tes maisons sont d’un charme infini. Tes habitants sont à la fois des intellectuels du plus haut rang, et du monde qui ne lit jamais des livres. Tout ça est pèle-mèle dans des rues diagonales, avec des maisons dans des stationnements, le cauchemar vivant des urbanistes et des friands de logique. Mais ce chaos constant fait que n'importe quoi peut arriver parce que who knows qui tu vas croiser quand tu sors prendre une drink. Une grande partie de ta magie vient du fait que tu est hantée par deux fantômes qui te poussent constamment à continuer sur le bon chemin. Le fantôme de la Patente pousse tes leaders à exiger que les Acadiens aient leur juste place dans les espaces décisionnels. C’est ce qui pousse les francophones à rester organisés et vigilants. C’est ce qui fait que les gens se battent pour avoir des institutions crédibles, des lois qui les protègent, et qu’on leur accorde leur juste part des choses. L’autre fantôme, et celui qui me colle à la peau quand je suis chez toi, c’est l’esprit du Kacho. C’est ce spectre qui est là quand les artistes défoncent les limites qu’on s’imagine autour de la culture acadienne. Quand on s’organise des moments underground, osés ou absurdes, c’est lui qui nous chuchote à l’oreille d’aller plus loin, d’être plus weird. C’est grâce à lui qu’on rejette le mainstream Acadien pour créer quelque chose qui nous ressemble vraiment. Quand j’ai envie de communier dans un monde d’idées, d’imagination et d’Acadie, le fantôme du Kacho me prend par la main et me guide vers les bonnes personnes et je ne suis plus seule. Et parfois, dans des moments de génie, les deux esprits se croisent et tu nous éblouis. Quand la Patente croise le Kacho, ça donne le projet de ré-occupation de la Cathédrale de Moncton. Ça donne Acadie Rock. Ça donne de l’espoir. Et loin d’être un paradis où on a tellement de bonheur et peu de soucis qu’on devient paresseux, tu as une menace tangible en pleine face. Entre les Maires xénophobes et tes anti-bilinguistes, tu ne peux jamais complètement te reposer. Mais comme les retraités qui découvrent que ils ne sont heureux que quand ils peuvent se rendre utiles en quelque part, tu n’es jamais aussi vivante que quand tous tes salons sont remplis d’outrage et de sessions de stratégie. Tu est belle quand tu est fâchée. Et moi je t’aime. Je t’aime même trop pour être vraiment avec toi. Je sais que si me donnerais à toi que notre relation consommerait toute ma vie. Je m’embourberais dans ton monde, tes réseaux, ta vie, et je n’aurais jamais la force pour te quitter. Et on a besoin de moi ici. Moi j’ai besoin de moi ici. Donc je me contente de faire de toi ma maîtresse. Notre amour peut être absolu dans nos moments ensembles, mais éventuellement je dois retourner à la maison. Quand je n’en peux plus de me sentir seule, c’est dans tes bras que je veux me trouver. Quand je me sens trop découragée dans une Acadie passéiste, c’est toi que j'appelle pour que tu me parle de plans d’avenir. Quand je parle du pays de mon Acadie à moi, c’est toi qui en est la capitale. Ta place dans mon coeur t’y est réservée à vie. Moi je ferai l’effort de te voir plus souvent si tu me promets de me garder une invitation ouverte. J’ai besoin de toi, et je pense que tu as un peu besoin de moi aussi... (photos Céleste Godin 2015)
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À proposJe suis Céleste Godin Ici sont mes idées, des pensées pas rapport et du random junk. C'est kind of intéressant, hopefully. Note sur la langue utilisée:
Ce blog n'a pas honte d'utiliser des mots anglais ni d'inventer des mots. Afin d'alléger le texte, le genre féminin est utilisé. Le masculin est inclus lorsque le contexte l'indique. Le stuff que t'as manqué
January 2021
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